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La semaine du droit de la famille

Civil - Personnes et famille/patrimoine
25/05/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation en droit de la famille.
Séparation de biens – contribution aux charges du mariage
« Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 novembre 2018), Madame X et Monsieur Y, mariés le 7 octobre 1978 sous le régime de la séparation de biens, ont vécu séparément à compter de l'année 2013. Par acte du 28 juin 2016, Madame X a assigné son époux en contribution aux charges du mariage. Celui-ci a engagé parallèlement une procédure de divorce. Un jugement du 5 mai 2017 l'a condamné à verser à son épouse une somme mensuelle de 3 000 euros au titre de la contribution aux charges du mariage du 1er janvier 2016 jusqu'au 10 mars 2017, date de l’ordonnance de non-conciliation.
(…) Vu les articles 214, 226 et 1388 du Code civil :
Il résulte de l'application combinée de ces textes que les conventions conclues par les époux ne peuvent les dispenser de leur obligation d’ordre public de contribuer aux charges du mariage.
Dès lors, en présence d'un contrat de séparation de biens, la clause aux termes de laquelle « chacun [des époux] sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu'aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu'ils n'auront pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature », ne fait pas obstacle, pendant la durée du mariage, au droit de l’un d’eux d’agir en justice pour contraindre l’autre à remplir, pour l’avenir, son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Pour déclarer irrecevable la demande de l'épouse tendant à une fixation judiciaire de la contribution aux charges du mariage à compter de la date de son assignation, l’arrêt se fonde sur la clause figurant au contrat de mariage.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisé
s »
Cass. 1re civ., 13 mai 2020, n° 19-11.444, P+B*


Convention de La Haye – apostille apposée sur l’acte de naissance
« Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 novembre 2018), Monsieur X, se disant né le 4 novembre 1986 à Ambagarattour (Inde), s’est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française. Il a assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de se voir déclarer français par filiation paternelle, sur le fondement de l’article 18 du Code civil.
(…) Aux termes de l’article 5, alinéa 2, de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers, l'apostille dûment remplie atteste la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu
Si l’article 7 de ce texte impose la tenue obligatoire d'un registre destiné à permettre un contrôle a posteriori des apostilles délivrées dans chaque Etat partie par l'autorité habilitée, la vérification qu’il autorise revêt un caractère facultatif et vise exclusivement à permettre à l'autorité de l'Etat destinataire de s'assurer, le cas échéant, de l'origine de l'apostille en prenant contact avec l'autorité de l'Etat qui est censée l'avoir émise.
Après avoir constaté que l’apostille apposée sur l’acte de naissance produit par Monsieur X, dont il n’était pas contesté qu’elle émanait de l’autorité indienne compétente, n’authentifiait pas la signature de l’officier de l’état civil qui l’avait établi, mais celle d’un tiers, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer une vérification inopérante, a retenu, à bon droit, que, faute pour l’apostille de répondre aux exigences de l’article 5, alinéa 2, de la convention précitée, cet acte ne pouvait produire effet en France »
 Cass. 1re civ., 13 mai 2020, n° 19-11.374, P+B*


Adoption – consentement
« Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 30 novembre 2018), un jugement du 18 décembre 2007 a prononcé l'adoption simple, par Monsieur X, de Madame Y, née le 1er août 1970, fille de son épouse. Selon actes notariés du 9 juin 2009, Monsieur et Madame X ont fait donation à leur fille de plusieurs biens immobiliers. En septembre 2011, Monsieur X a introduit une requête en divorce. Par acte du 23 septembre, il a assigné Madame Y en révocation de son adoption simple et des donations qu'il lui avait consenties.
(…) Vu l’article 353, alinéa 1er, ensemble l'article 370, alinéa 1er, du Code civil, ce dernier dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 :
Selon le premier de ces textes, l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant. Selon le second, s'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, lorsque l'adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l'adoptant.
Il résulte de ces dispositions que l'intégrité du consentement de l'adoptant, en tant que condition légale à l'adoption, est vérifiée au moment où le tribunal se prononce sur celle-ci, de sorte que la contestation ultérieure du consentement de l'adoptant, qui est indissociable du jugement d'adoption, ne peut se faire qu'au moyen d'une remise en cause directe de celui-ci par l'exercice des voies de recours et non à l'occasion d'une action en révocation de cette adoption, laquelle suppose que soit rapportée la preuve d'un motif grave, résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d'adoption.
Pour accueillir la demande de révocation de l'adoption, l'arrêt retient que les constatations médicales résultant de l'examen psychiatrique effectué sur l'adoptant démontrent que ce dernier n'était pas sain d'esprit au moment où il a donné son consentement à l'adoption.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés 
»
Cass. 1re civ., 13 mai 2020, n° 19-13.419, P+B*

Mineur – protection du patrimoine
« Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 24 octobre 2018), le juge des tutelles des mineurs a, par ordonnance du 25 juin 2015, désigné un administrateur ad hoc pour représenter X, né le 22 octobre 2007, avec mission d'examiner l'ensemble des comptes détenus par le mineur auprès d’un organisme bancaire, recenser les éventuels retraits de fonds qui ont pu être opérés et engager toute action amiable ou contentieuse afin de recouvrer les dits fonds.
Le procureur de la République a sollicité de ce juge, sur le fondement de l’article 387-1, alinéa 2, du Code civil, la mise en oeuvre des mesures de contrôle prévues à l'article 387-3 du même Code, afin de protéger le patrimoine du mineur
(…) Les deux premiers alinéas de l’article 387-3 du Code civil disposent :
« A l'occasion du contrôle des actes mentionnés à l'article 387-1, le juge peut, s'il l'estime indispensable à la sauvegarde des intérêts du mineur, en considération de la composition ou de la valeur du patrimoine, de l'âge du mineur ou de sa situation familiale, décider qu'un acte ou une série d'actes de disposition seront soumis à son autorisation préalable.
Le juge est saisi aux mêmes fins par les parents ou l'un d'eux, le ministère public ou tout tiers ayant connaissance d'actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d'une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci. »
Il en résulte que le juge saisi sur le fondement du deuxième alinéa n’a pas à motiver sa décision au regard de la composition ou de la valeur du patrimoine.
Ayant relevé que la désignation d’un administrateur ad hoc avait été faite en raison d’un retrait de fonds non autorisé par le juge des tutelles sur le compte bancaire de X et que Madame Y était incarcérée depuis décembre 2017 au titre d’une condamnation pour fraude aux prestations sociales, la cour d’appel en a déduit qu’il convenait de protéger le patrimoine du mineur.
Elle a ainsi légalement justifié sa décision 
»
Cass. 1re civ., 13 mai 2020, n° 19-15.380, P+B*


Filiation des enfants légitimes – preuve
« Un arrêt du 24 octobre 2002 a constaté l’extranéité de M. A... X... au motif que le lien de filiation avec sa mère, C... Z..., de nationalité française, avait été établi postérieurement à sa majorité. Le 10 janvier 2018, D... X... et B... X..., mineurs représentés par leurs parents, M. A... X... et Mme Y... (les consorts X...), ont formé tierce opposition à l’encontre de cet arrêt. Le 23 novembre 2018, la cour d’appel de Versailles a déclaré la tierce opposition recevable, dit n’y avoir lieu de rétracter l’arrêt du 24 octobre 2002 et rejeté toutes les demandes des consorts X....
(…)  La disposition contestée est l’article 319 du Code civil qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972, disposait :
"La filiation des enfants légitimes se prouve par les actes de naissance inscrits sur les registres de l’état civil."
Cette disposition, qui concerne les modes de preuve de la filiation en mariage, avant l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, de l’article 311-25 du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, n’est pas applicable au litige qui est relatif aux effets sur la nationalité d’une filiation établie hors mariage.
En outre, le 6° du paragraphe II de l’article 20 de l’ordonnance du 4 juillet 2005, dont il résulte que les enfants nés hors mariage et ayant atteint l’âge de la majorité avant le 2 juillet 2006 ne peuvent se prévaloir de la seule désignation de leur mère, de nationalité française, dans leur acte de naissance, pour obtenir la nationalité française, a été déclaré conforme à la Constitution par la décision n° 2011-186/187/188/189 rendue par le Conseil constitutionnel le 21 octobre 2011.
En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ».
Cass. 1re civ., 13 mai 2020, n° 19-10.966, P+B*


 
 *Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 25 juin 2020
 
 
 

 
 
Source : Actualités du droit